Localisation de jeux vidéo : reportage complet sur un métier à part entière (méthodes, outils, tarification et exemples)
La localisation de jeux vidéo n’est pas qu’une étape technique. C’est un métier à part entière qui associe linguistique, développement et expérience utilisateur. Du travail de préparation des glossaires à l’intégration dans le jeu, en passant par le contrôle qualité in‑game et l’adaptation du doublage, les équipes mobilisent méthodes, outils et modèles économiques propres. Cet article propose une vue pratique, structurée comme un reportage, avec des exemples concrets et des références professionnelles pour comprendre les enjeux, les choix et les bonnes pratiques du secteur.
Workflow général : comment travaillent les traducteurs et les équipes
Pré‑production et préparation
L’extraction des textes provient des fichiers du jeu (strings, JSON, PO, XLIFF, CSV, etc.). On crée et partage un glossaire et une mémoire de traduction (TM) afin de garantir une cohérence terminologique tout au long du projet. Ces éléments accélèrent les itérations et aident à maîtriser les coûts en évitant les doublons.
Références pratiques : guides et retours d’expérience sur les workflows de localisation, notamment les premières étapes de structuration terminologique et la réutilisation des mémoires. Pour une synthèse, voir les ressources spécialisées en localisation de jeux.
Traduction
Le traducteur travaille sur les strings dans un outil TMS/CAT. Les contraintes à respecter incluent la longueur maximale, les placeholders (ex. %s, {0}), les balises de mise en forme HTML et le contexte UI/UX. Dans les projets AAA, la traduction peut même démarrer avant la fin du script, afin de paralléliser développement et localisation.
Cas typique : mise en cohérence avec le glossaire et la TM pour éviter les doublons et les incohérences terminologiques.
Relecture / editing
Un relecteur in‑country révise le texte pour le ton, le style et la conformité au glossaire, tout en vérifiant les contraintes d’affichage (taille, espaces, ponctuation). Cette étape est cruciale pour éviter les écarts qui pourraient dégrader l’expérience utilisateur.
LQA (Linguistic QA)
Test linguistique en contexte (in‑game) par des testeurs linguistiques : fautes, contexte, bugs d’affichage, chaînes tronquées, placements de placeholders. Des checklists LQA et des outils dédiés guident ces tests et permettent de lever les incohérences avant l’intégration finale.
Bonnes pratiques : tester dans des scénarios réels d’utilisation et vérifier l’adéquation culturelle des choix textuels.
Functional QA & integration
QA technique axée sur l’encodage, l’intégration et les bugs liés aux chaînes. Tests sur différentes plateformes (console, mobile, PC) pour garantir une expérience homogène et sans régressions.
Voix et adaptation dialogues
Pour les jeux doublés, on adapte les scripts pour le lip‑sync et le timecode, on organise les sessions d’enregistrement et on supervise la direction voix. Cette étape peut augmenter l’effort humain et nécessiter des ajustements dans les enregistrements.
Publication et post‑launch
Les patches et les corrections post‑release intègrent les retours joueurs et les mises à jour de la TM pour préserver la cohérence sur l’ensemble des versions et langues.

2. Jargon courant
- String / Key : unité de texte à traduire.
- TM (Translation Memory) : base de segments déjà traduits.
- Glossary : liste terminologique (noms propres, termes de gameplay).
- LQA (Linguistic Quality Assurance) : tests linguistiques en jeu.
- Pseudo‑localization : procédé pour tester l’affichage de textes longs et complexes.
- In‑context review : révision directement dans l’UI ou via des captures d’écran.
- Pseudo / placeholders : %s, {0}, \\\\n, balises HTML — à conserver et à traiter avec soin.
- String freeze : moment où les textes « gèlent » avant livraison (utile pour le doublage et les timecodes).
3. Outils techniques fréquemment employés
- TMS / CAT : outils comme SDL Trados, memoQ, Smartcat, Wordfast. Pour les jeux et les productions massives, des plateformes cloud comme Lokalise, Crowdin, Phrase, Transifex ou Smartling permettent de gérer les strings, le contexte et les intégrations CI/CD.
- QA tools : Xbench, QA Distiller, et les outils intégrés au TMS pour traquer les incohérences et les erreurs.
- Intégration : Git / GitHub, Git LFS, Perforce — synchronisation des fichiers de localisation avec le code source.
- Tests in‑context : plugins ou builds de test qui montrent le texte dans l’UI réelle.
- MT / post‑editing : moteurs de traduction automatique suivis d’une post‑édition humaine, utile pour les volumes importants.
- Gestion de projet : JIRA, Asana ou outils internes dédiés au pipeline localisation.
Ces outils et méthodes permettent d’assurer transparence, traçabilité et cohérence dans des projets qui mobilisent souvent des dizaines, voire des milliers de personnes sur plusieurs langues.
4. Méthodes et bonnes pratiques spécifiques aux jeux
- Donner du contexte : captures d’écran, descriptions d’usage (UI, HUD, quêtes, sous‑titres) pour guider le choix lexical et stylistique.
- Contraintes UI : limiter le texte à l’affichage et flexibiliser les formulations sans dénaturer le sens.
- Culturalisation : adapter les références culturelles, les blagues et les mèmes — la traduction n’est pas qu’un mot mais une adaptation.
- Voix et doublage : préparation des dialogues en vue du lip‑sync et du timecode, casting et studios d’enregistrement alignés sur le planning.
Tests cross‑platform : police, retours à la ligne et affichages qui diffèrent selon les plateformes ; vérifier chaque canal d’affichage.
5. Tarification (indications pratiques : freelance vs salarié)
Les montants varient selon la langue, la complexité (UI vs dialogues), le profil du traducteur, l’urgence et le volume. Voici quelques grandes tendances observées sur le marché :
- Freelance
- Par mot : environ 0,05 € à 0,12 € pour la traduction de jeux, avec des niveaux d’expertise pouvant atteindre 0,15 €+ pour les cas complexes.
- Post‑édition MT : tarif réduit par mot.
- Relecture / editing : 25–40% du tarif de traduction ou tarif horaire.
- LQA in‑game : 25–60 € / h en moyenne ou forfait selon le projet.
- Agences / équipes internalisées : devis globaux par langue, couvrant traduction, LQA, adaptation et gestion de projet. Pour des AAA, les coûts peuvent atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros par langue selon le volume.
Salaried (in‑house) : salaires variables selon pays et expérience. En Europe, un localisateur / PM peut viser 25k–60k € par an, avec des équipes dédiées dans les studios les plus structurés.
6. Modèle de contractualisation : indépendant ou salarié ?
- Indépendant / freelance : très courant pour la traduction et la LQA, flexible et adapté aux projets ponctuels ou à la demande croissante. Manière fréquente dans les studios qui externalisent une partie du travail.
- Salarié / in‑house : privilégié par les studios qui localisent en continu ou qui veulent un contrôle plus serré sur le pipeline et les délais. Des exemples montrent une coordination complexe entre contributeurs externes et équipes internes.
7. Exemples de jeux et l’ampleur des équipes
Plusieurs titres emblématiques illustrent l’ampleur possible d’un programme de localisation :
- Cyberpunk 2077 (CD Projekt Red) : localisation monumentale avec environ 1,1 million de mots, 19 langues et des dizaines de milliers de ressources vocales. L’effort de localisation représente une part majeure du projet, avec de nombreux contributeurs crédités impliqués dans la localisation.
- Red Dead Redemption 2 : dialogues volumineux et prise en compte d’un grand nombre de langues ; la localisation est décrite comme un volet majeur du développement et de l’expérience joueur.
- The Witcher 3 : récit dense, multiples langues et une attention particulière portée à la localisation dans les études académiques et professionnelles.
- On cite aussi des projets comme Minecraft, Skyrim, GTA V ou Assassin’s Creed comme exemples majeurs de localisation massive (références industrielles et infographies spécialisées).
Ces cas montrent que la localisation n’est pas une étape annexe mais un pilier essentiel du succès et de l’accessibilité d’un jeu.
8. Où trouver des références et reportages
- Analyses et reportages longs : Polygon sur Cyberpunk 2077 et la localisation.
- Guides et praxys de localisation : MarsHub et AllCorrectGames.
- Études académiques et analyses : publications sur The Witcher 3 et RDR2 (ResearchGate, revues spécialisées).
- Ressources freelances et tarifications : ProZ.
9. Recommandations pratiques (si tu veux te lancer ou proposer ces services via Swantrad)
- Proposer deux offres claires : (a) localisation “string only” avec TM ; (b) pack complet (traduction + LQA in‑game + adaptation doublage).
- Créer un glossary/template par studio afin de gagner du temps et de réutiliser les ressources (TM réutilisable).
- Mettre en avant les compétences pertinentes : expérience jeux, tests in‑game, gestion de placeholders, adaptation doublage.
- Proposer LQA à l’heure (forfait test play par langue) pour les petits projets, afin d’assurer une couverture qualitative.
- Offrir des services de pseudo‑localisation et des vérifications techniques (encodage, overflow tests) ; ces prestations sont particulièrement appréciées par les développeurs.
Si tu souhaites, je peux te préparer l’un des bilans suivants et les livrables associés :
- Un modèle d’offre et de devis pour la localisation d’un petit jeu indie (environ 20k mots) et pour un AAA (environ 1M mots), avec des chiffrages indicatifs.
- Une compilation d’articles et d’études sur la localisation de jeux précis (Witcher 3, RDR2, Cyberpunk) pour une présentation structurée.
- Une fiche process à remettre aux traducteurs (glossaire modèle, checklist LQA, templates XLIFF/CSV).
Si tu me dis lequel tu veux en premier, je te le prépare rapidement. Tu peux aussi me dire si tu préfères une approche orientée freelance, agence ou in‑house.
Références et ressources générales utilisées dans ce reportage : les liens fournis tout au long du texte (Polygon, MarsHub, ProZ, AllCorrectGames, etc.).
Pour aller plus loin
- L’avenir des traducteurs et interprètes dans les jeux vidéo : pourquoi rejoindre Swantrad pour présenter votre valeur ajoutée
- Signature électronique qualifiée pour traducteurs assermentés en France
- SwanTrad : protéger le travail des traducteurs et les clients contre les arnaques et les traductions à bas prix
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