Traduire les silences
Il y a les mots, bien sûr. Mais il y a aussi les soupirs, les regards en coin, les phrases qui s’arrêtent juste avant d'en dire trop. Dans une bande dessinée, une bulle vide peut être plus éloquente qu’un monologue. En tant que traductrice littéraire, je me demande souvent : comment habiller ce silence sans le trahir ?
Traduire, ce n’est pas seulement transposer. C’est écouter les personnages, écouter leur histoire, les comprendre, percevoir ce qu'ils ne disent pas, et trouver les mots justes pour que leur silence soit criant d'authenticité. Un mot de trop peut briser la tension qui fait vibrer une scène. Une tournure explicite peut effacer l’ambiguïté voulue par l’auteur ou l’autrice.
En traduction littéraire, les non-dits sont des zones fragiles. Je les approche avec délicatesse, je les éclaire sans les dissiper. Traduire, sans trahir.
Et parfois, ce sont eux qui font toute la force d’un texte. Le rythme d’un dialogue, c’est ce narrateur qu’on ne voit pas, mais qui guide la lecture, installe une émotion. Respecter le sens n'est pas suffisant. Il faut retrouver le souffle. Celui d’une phrase qui s’emballe, d’un paragraphe qui s’étire, d’un silence qui tombe juste. Traduire le rythme, c’est écouter le texte comme une partition. Et parfois, réécrire sans bruit pour que tout sonne juste.
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